La chanson française a trouvé avec Arlt son expression la plus irréfutable. Une chanson française émancipée d’elle-même, libre et libérée, débarrassée de ses tics et poses, dont la mémoire vibrante s’articule et se conjugue avec des influences obliques bien de chez nous (Marcel Kanche, Pascal Comelade, Red, Colleen) ou d’ailleurs (David Garland, Clogs, Josephine Foster). Une chanson de traverse, aussi savante que primitive, nourrie en profondeur de musique médiévale et baroque, de folk et de minimalisme, de blues et de pop, réminiscences sonores convoquées de concert, tels des souvenirs enfouis et imbriqués qui auraient encore leur saveur d’enfance. Une chanson qui se refuse aux tentations du nombrilisme et de la crasse effusion, refuge d’ego échoués dans la vase de la satisfaction. Une chanson capable de faire vaciller les aspects du monde, de donner à entendre son envergure et ses ambiguïtés, de frapper au cœur des choses. Une chanson candide et vigoureuse qui, à sa façon, résiste, tâtonne et (se) cherche, résonne et, aussi, raisonne. Jusqu’à la déraison.
« J’ai entendu Arlt pour la première fois dans un petit club à Brooklyn. J’étais si époustouflé que je leur ai demandé de rejouer leur chanson entêtante « La Rouille » une deuxième fois à la fin du concert. Arlt relie l’esthétique punk primitif du Velvet Underground à un sens de l’écriture très développé, percutant et classique en même temps. Imaginez Leonard Cohen en chanteur du Velvet Underground, ou bien Serge Gainsbourg et Nico ayant passé des années à développer un duo. Pas effrayé d’écrire en français comme beaucoup de leurs contemporains, Arlt fait des chansons immédiatement accueillantes, aux arrangements bricolés, étranges et vitaux, conduisant à leur monde rêvé de beauté dérangée. » BRYCE DRESSNER / THE NATIONAL